Nice Speech
Son passage sur scène s’étant terminé depuis un petit moment, Kohn avait le reste de la soirée pour tenter de faire connaissance avec d’autres élèves du pensionnat. Mais, il n’avait jamais été doué pour ce genre de choses ; aller vers les autres. C’était toujours sa sœur qui le soutenait, ou le présentait. Et avant l’arrivée de cette dernière dans sa petite vie, il restait dans son coin.
Aujourd’hui, Kohn aurait apprécié d'être capable de faire un pas vers les autres, d’avoir une confiance en lui absolue, comme Lowell, comme Andy, comme Alexandre. Il sourit, à l’énonciation de ces noms ; entre ce que l’on paraît et ce que l’on est, il y a une différence. Eux aussi avaient certainement cette différence.
Il devait peut-être trouver son binôme, finalement. N’était-ce pas le but de la soirée ? Mais Kohn ne savait pas où chercher, et il ne savait pas où aller. Il était perdu dans la masse de gens se connaissant, riant, buvant, mangeant. Il imaginait un mur entre ces êtres qui ont vécu bien des choses ensemble, et lui. Mais Kohn n’était pas attristé pour autant, il voyait cela de son éternel et lassant point de vue : les êtres humains étaient un problème mathématique. C’était plus facile de penser ainsi.
La nouvelle tête approcha le gobelet de ses lèvres, relevant à peine son masque pour prendre une gorgée. Il restait en dehors de la masse, et s’attardait sur les détails de la soirée. Tout était beau, calculé, précis, nuancé, de telle manière que cette soirée fut graver dans la mémoire du génie et certainement, de celle des autres invités. Les couleurs étaient chatoyantes, la nourriture délicieuse, les robes affriolantes, la musique talentueuse.
« C’est vraiment beau. » finit-il par se dire, à voix haute.
Kohn n’avait jamais participé à des bals, mais il savait celui-ci extraordinaire. Il repensa au discours d’Alexandre ; il lui enviait de plus en plus son assurance. C’était quelqu’un de notable à ses yeux, et la première personne qu’il fut amené à rencontrer dans le pensionnat - sans compter Andy. Il lui avait laissé une bonne impression, et en pensant à leur première rencontre et à la précieuse aide du délégué, son regard se porta sur ce dernier.
Un regard de Skull Kid imperturbable et jaunâtre, qui fixait le jeune homme dans un groupe d’individus à la conversation animée. Il détourna ses iris pour revenir à la salle ; il était presque embarrassé de le fixer. Peut-être par peur de paraître bizarre, qui sait ? Ou bien insistant ? Impoli ? Kohn se mordit l’intérieur de la joue, histoire de se punir de son inactivité sociale.
Était-ce si insurmontable d’aller vers les autres ? Ce point de son caractère l’agaçait franchement. Et à force de ruminer, de compter jusqu’à dix pour mieux se lancer sans jamais oser, mieux recommencer ce fichu compte à rebours, Kohn repensa à ses sciences. Et son cerveau si occupé par son intense réflexion, ne prit pas la peine de s’intéresser au verre dans sa main ; ce dernier tomba mollement au sol, la paume du coréen gardant pourtant sa forme, et Kohn ne l’avait pas même remarqué. Surprenant.